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Éducation

Éduque-t-on les enfants dans les accueils parascolaires ?

La réponse est « oui » dès lors qu’on précise qu’il s’agit d’une éducation non formelle, c’est-à-dire d’un processus organisé qui comprend des activités éducatives et des occasions d’apprentissage pour les enfants en l’absence de pression liée à un horaire ou à une obligation de résultat. Dans son cadre national de référence, le Luxembourg définit les principes et les caractéristiques de cette forme d’éducation tout en développant les aspects de sa mise en pratique et le rôle des professionnel·les. Ce document inspirant est à lire absolument !

Le Luxembourg s’est doté d’un cadre de référence national sur l’éducation non formelle des enfants et des jeunes. Le document[1] présente une partie générale et une orientation pédagogique commune aux différentes tranches d’âge, puis se divise en 3 parties distinctes : petite enfance (0-4 ans), âge scolaire (4-11 ans) et jeunes (dès 12 ans). Il rappelle qu’organisée en dehors du système scolaire, cette forme d’éducation essentielle rend possible l’amélioration de certaines aptitudes et compétences personnelles autant que sociales. Elle poursuit des objectifs éducatifs spécifiques, les contenus et les méthodes étant aussi en grande partie aménagés par les participant·es eux-mêmes. A contrario, l’éducation formelle a lieu à l’école, on y apprend selon un objectif préalablement déterminé, le résultat est évalué, on y acquiert une qualification, un certificat ou un diplôme.

L’éducation non formelle[2] se distingue par le fait qu’elle est :
– volontaire, globale et orientée vers les processus et non la performance ;
– accessible à tous et toutes (dans l’idéal) ;
– organisée avec des objectifs éducatifs ;
– participative et centrée sur les apprentissages ;
– basée sur l’expérience et l’action en prenant en compte les besoins des apprenant·es.

Elle favorise le développement d’un ensemble diffus de compétences sociales et relationnelles et prépare les enfants à leur rôle de citoyen·nes actifs et actives – se sentir légitime d’avoir un point de vue, s’initier à de nouvelles pratiques, négocier, faire des choix, etc. Cette approche comprend à la fois un apprentissage individuel et un apprentissage en groupes.

Le cadre de référence luxembourgeois se décline en 7 champs d’action. Il garantit que chaque enfant ou jeune confié à un service d’éducation non formelle[3] se voit proposer des opportunités d’expérience et d’apprentissage dans l’ensemble de ces champs.

1. Émotions et relations sociales
2. Valeurs, participation et démocratie
3. Langue, communication et médias
4. Créativité, art et esthétique
5. Mouvement, conscience corporelle et santé
6. Sciences et technique
7. Transitions

La mise en oeuvre des différents champs d’action est expliquée en détail. Les réflexions sur les conditions-cadres nécessaires ainsi que sur le rôle du pédagogue[4] dans les services d’éducation non formelle sont élaborées pour les 3 différentes tranches d’âge : « petite enfance » (jeunes enfants de moins de 4 ans), « âge scolaire » (enfants scolarisés entre 4-12 ans), « jeunesse » (adolescent·es et jeunes adultes entre 12-30 ans).

Le cadre de référence comprend l’ensemble des lignes directrices pour l’élaboration des concepts pédagogiques et s’appuie sur l’image – en Suisse nous dirions « la représentation » – que l’on a de l’enfant et du jeune, ce qui détermine l’approche éducative. Les enfants et les jeunes sont considérés comme des êtres sociaux, culturels, compétents, dotés de capacités et d’intérêts divers dès la naissance, membres à part entière et égaux de la société.

L’éducation est définie dans le cadre de référence comme un processus actif au quotidien. L’apprentissage par la pratique, sans pression liée à un horaire ou à une obligation de résultats, la prise en compte des besoins et des intérêts individuels des enfants, leur participation aux processus de décision sont les caractéristiques principales de l’éducation non formelle.

Le bien-être des enfants et des jeunes dépend de la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ; ceux-ci couvrent tant les besoins physiologiques – tels que l’alimentation, le calme et le mouvement – qu’une sensation de sécurité et de protection. La possibilité de la réalisation de soi, la quête d’appartenance, d’échange et de participation sont tout aussi essentielles que le désir d’autonomie et d’indépendance.

Il est également important que l’éducation non formelle ne soit pas considérée comme une activité individuelle : l’apprentissage se fait dans le cadre d’échanges réguliers avec d’autres enfants, d’autres jeunes ainsi qu’avec des adultes. Les expériences et les découvertes sont faites ensemble et les points de vue sont partagés.

Le rôle des pédagogues / de l’équipe éducative

 

Les pédagogues doivent répondre à différentes attentes, tant de la part des enfants que des familles ou du système scolaire. Il est fondamental qu’ils aient une notion professionnelle de leur rôle pour satisfaire aux multiples tâches et exigences des institutions non formelles et qu’ils donnent à l’aménagement des loisirs des enfants et des jeunes l’importance qui lui revient.
Les pédagogues se voient eux-mêmes et elles-mêmes comme des personnes qui apprennent continuellement, contribuant ainsi au développement de l’institution non formelle en tant qu’organisation apprenante, en mesure de réagir de manière appropriée aux changements de la société. Cette attitude est étroitement liée aux processus d’apprentissage des enfants.

Les enfants d’âge scolaire ont besoin d’adultes dotés de compétences professionnelles et personnelles qui leur portent de l’estime en tant qu’êtres uniques et s’adressent à eux activement, « d’égal à égal », les accompagnent et les encouragent. Des relations de confiance dans une atmosphère détendue et bienveillante sont essentielles.
En grandissant, les enfants attachent de plus en plus d’importance au groupe de pairs, y compris dans le sens amical. La tâche des professionnel·les est de prêter attention à ces relations ainsi qu’à l’ensemble de la dynamique de groupe et à les utiliser au profit de processus d’apprentissage socio-émotionnels. Les pédagogues créent des possibilités en termes d’espace et de temps permettant aux enfants de vivre diverses expériences sociales, ils accompagnent les processus de négociation des enfants.
Ils veillent aussi à leur accorder suffisamment de temps et d’espace pour qu’ils puissent jouer librement, se détendre et bouger, mais aussi pouvoir se retrouver avec leurs pairs en toute tranquillité au cours de la journée.

Les idées, questions et hypothèses des enfants constituent le point de départ de discussions, de processus de jeu et d’apprentissage, mais aussi d’offres éducatives et de projets.

Les pédagogues font confiance aux compétences de l’enfant et lui offrent des espaces libres adaptés à son développement pour qu’il puisse se livrer à ses propres activités, prendre ses propres responsabilités et engager des processus de participation. Parmi leurs compétences professionnelles figure la nécessité de comprendre au mieux la perspective des enfants et de les aider à développer leurs propres idées en adoptant une posture de questionnement.

Les pédagogues sont sensibles à l’importance des médias (numériques) dans la vie des enfants et disposent eux-mêmes de compétences médiatiques. Ils réfléchissent sur leur propre attitude vis-à-vis des nouveaux médias et du comportement médiatique des enfants, prennent position, sont réceptifs aux intérêts des enfants, qu’ils utilisent pour penser les processus éducatifs.

Les conditions cadres pour les processus éducatifs

 

Espaces intérieurs et extérieurs : les enfants peuvent être impliqués dans l’aménagement et la réorganisation des locaux. Les espaces intérieurs et extérieurs permettent de bouger, jouer et faire du sport (cour ou salle de gym, mobilier amovible). Des bancs et des tables à l’extérieur favorisent les discussions. Des sièges ou une cafétéria sont à disposition des parents.

Matériel de jeu et d’apprentissage : les pièces ou salles sont divisées et équipées de matériel diversifié qui répond aux intérêts des enfants accueillis.

Organisation de la journée : compte tenu des plages de temps souvent réduites dans les institutions de l’éducation non formelle, il est particulièrement important que les enfants puissent poursuivre les activités non achevées les jours suivants et construire des communautés de jeu et de travail sur le long terme.

Les champs d’action de l’éducation non formelle

 

1. Émotions et relations sociales

Parmi leurs pairs, les enfants trouvent des réponses à leurs questions, peuvent échanger avec celles et ceux qui partagent leurs centres d’intérêt et se servent de ce groupe comme d’un environnement d’apprentissage social. Les pédagogues leur apprennent à adopter un comportement pro social et se tiennent à leur disposition pour qu’ils puissent s’y confronter.
Ils accompagnent avec sensibilité les processus relevant de la dynamique de groupe et permettent à tous les enfants de se sentir membres d’une communauté. Ce faisant, ils veillent à la satisfaction du besoin d’appartenance des enfants et leur offrent la précieuse chance d’apprendre des autres et avec les autres.

Les institutions de l’éducation non formelle sont tenues de répondre aux besoins de chaque enfant et de veiller au maintien de leur équilibre émotionnel. Celui-ci suppose des phases de repos, de détente et d’activité physique, ainsi que des espaces libres permettant de mettre en œuvre leurs propres idées et d’interagir au sein du groupe de pairs. Les enfants ont besoin de suffisamment de temps et d’espace pour aménager leurs loisirs de manière autonome et ce afin de reconnaître leurs points forts et leurs intérêts dans les domaines de l’art, de l’artisanat et du sport et de pouvoir les développer sans être jugés par des adultes.
Cette « culture de l’enfant » particulière ainsi que le développement de relations d’amitié sont essentiels pour que les enfants acquièrent et consolident des capacités sociales.

Sexualité
Au sein du groupe de pairs, chaque enfant est intensément confronté
à lui-même, aux rôles généralement attribués aux filles et aux garçons aini qu’aux femmes et aux hommes, mais aussi aux modèles reconnus ou exigés par la société. Les expériences vécues dans les institutions éducatives sont tout aussi déterminantes pour acquérir la notion des rôles des femmes et des hommes que les représentations dans les médias et les attentes de l’entourage. Pour les enfants, le sentiment amoureux et l’engouement sont des expériences relationnelles importantes qui provoquent souvent des sentiments contradictoires. Il est essentiel que les personnes de référence fassent preuve de confidentialité et de sérieux à l’égard de ces sentiments.

Culture de conflit constructive
Il convient de reconnaitre les conflits, s’y risquer, parvenir à les négocier et les gérer. En jouant ensemble, les enfants engrangent des expériences en termes de collaboration, de prévenance, de capacité à s’imposer et d’équité. En convenant des règles (du jeu), en passant des accords sur la base d’un respect mutuel et en faisant preuve d’une véritable volonté de coopération, les enfants acquièrent et affûtent petit à petit leur sens moral. En dialoguant, ils développent de l’empathie et de la compréhension pour les points de vue des autres, apprennent à accepter la critique et acquièrent la capacité d’autoréflexion.

2. Valeurs, participation et démocratie

En grandissant, les enfants remettent en question leurs modèles et s’interrogent sur leur bien-fondé. Les adultes doivent être prêts à porter un regard critique sur leurs propres comportements, sur leur notion de la participation, à remettre en cause leur propre pouvoir, à offrir des possibilités de codécision et à répondre avec respect aux arguments et demandes des enfants. Le concept pédagogique de l’institution décrit clairement la forme sous laquelle les enfants peuvent ou doivent s’impliquer dans des processus participatifs. Pour les enfants d’âge scolaire, les notions de justice, d’équité et de morale ainsi que la confrontation critique avec les règles prennent de plus en plus d’importance. Le mode et le résultat de ces processus de négociation dépendent de la capacité de l’enfant à trouver un équilibre entre ses propres besoins et ceux du groupe et à les verbaliser sous une forme appropriée.

3. Langue, communication et médias

Les situations de communication quotidiennes offrent de nombreuses possibilités de fournir des stimulations linguistiques dans des contextes d’action concrets, d’expérimenter différentes formes de communication et de langues. Un environnement motivant contribue à éveiller la curiosité des enfants pour la langue écrite et à préserver leur envie de lire et d’écrire. Cette dimension est particulièrement importante pour les enfants issus de familles où le contact avec les livres, les histoires et l’écriture est moins développé.
La mission éducative des institutions non formelles consiste aussi à promouvoir la compétence médiatique des enfants. Celle-ci les rend aptes à utiliser les différents médias de façon de plus en plus autonome et réfléchie pour participer à la société. Mentionnons qu’à ce propos, une enquête[5] a révélé l’insuffisance des connaissances médiatiques de la population suisse romande, particulièrement quand il s’agissait de reconnaître l’intention de la communication, d’identifier la source et d’interpréter le contenu du message. La capacité des citoyens et des citoyennes à sélectionner des sources sûres et à analyser les informations qui leurs parviennent sont un enjeu crucial aujourd’hui pour notre société.

4. Créativité, art et esthétique

Les enfants sont curieux et spontanés, ils expérimentent, trouvent des solutions non conventionnelles et sont donc créatifs dans leurs actions autonomes pour peu que les professionnel·les soutiennent ces forces. La créativité peut être renforcée par une offre artistique diversifiée : contact préparé avec des œuvres d’art, matériel d’art visuel à disposition, musique, danse, rythme, arts de la scène, etc.

5. Mouvement, conscience corporelle et santé

Pour leur permettre d’évacuer le stress et compenser leur sédentarité, les institutions d’éducation non formelle doivent permettre aux enfants l’accès facilité aux activités physiques. Les jeux de mouvement initiés par les enfants ou guidés, les activités sportives de groupe ainsi que l’apprentissage de règles du jeu stimulent les compétences individuelles et sociales et peuvent contribuer à briser les barrières de la langue. Le trio gagnant « mouvement, alimentation, détente » est essentiel à la promotion de la santé au sens strict du terme. Connaître son corps, percevoir ses besoins et ses limites, mesurer ses capacités à celles des autres et prendre des décisions autonomes à son sujet font partie de l’apprentissage de l’autodétermination.

6. Sciences et technique

Compte tenu de la modernisation technologique croissante, les compétences scientifiques sont également essentielles pour pouvoir participer à la société. Les environnements de jeu et d’apprentissage seront à concevoir pour permettre aux enfants d’être en contact avec la nature, de participer aux travaux artisanaux et techniques des adultes, d’expérimenter, de manipuler, de chercher dans les domaines de la mécanique, du son, de la construction, etc.

7. Transitions à l’âge scolaire

Lors de l’entrée en service d’éducation et d’accueil ou lors d’un changement, les enfants se trouvent confrontés à de nouveaux défis. Ils entrent dans un environnement d’apprentissage auquel ils ne sont pas habitués, sont amenés à coopérer avec de nouveaux camarades de jeux et d’autres adultes que ceux qu’ils connaissaient auparavant. En même temps, ils doivent se développer dans un rôle d’écolier ou d’écolière.
Pour les familles dont l’enfant découvre une institution éducative pour la première fois, le défi est aussi important. Il doit être accompagné par le personnel éducatif avec précaution et selon une optique centrée sur l’enfant. Lors de ces expériences transitionnelles, une phase de familiarisation est également planifiée et organisée en commun avec les parents.
De plus, l’équipe éducative veille à décaler les phases de familiarisation des différents enfants, de façon à ce que les nouvelles et nouveaux arrivants soient accueillis un par un et successivement.
Cette organisation contribue à ménager, pour chaque enfant, un temps suffisant pour installer la relation avec le personnel éducatif et permettre la création de contacts entre enfants, sans empêcher de répondre aux besoins du groupe existant. Des après-midi de découverte avant l’entrée proprement dite, ainsi que la reprise de séquences et de routines de l’environnement familial facilitent « l’arrivée » et favorisent le bien-être de l’enfant dans son nouvel environnement.

Coopération avec les parents
Une gestion professionnelle de la transition implique les parents dans le passage en tant que partenaires éducatifs et les considère comme des experts pour ce qui touche à leur enfant et son changement de situation. Par un intérêt sincère et en instaurant une relation d’égal à égal, le personnel pédagogique manifeste qu’il est toujours disponible en tant qu’interlocuteur de confiance pour toutes questions dans le cadre du processus transitionnel.

Scolarisation et coopération soutenue avec l’institution scolaire
Dans le cas d’enfants disposant de peu de ressources personnelles et familiales et/ou confrontés à des situations particulièrement pénibles, les transitions peuvent ne pas être dénuées de risque et s’avérer très exigeantes. L’élaboration de systèmes de transition à haut degré de professionnalisme et des relations de coopération continues avec les écoles et les offres de soutien existant dans l’espace social (collaboration avec des experts extérieurs, institutions de loisirs locales, etc.) sont des facteurs importants pour que ces groupes en difficulté puissent maîtriser les transitions de manière positive et sans trop de difficultés d’adaptation.

1. Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse ; Bühler, C. (2021), Cadre de référence national sur l’éducation non formelle des enfants et des jeunes, Luxembourg : Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse et Service national de la jeunesse, Luxembourghttps://www.enfancejeunesse.lu/wp-content/uploads/2021/09/Rahmenplan_FR_14092021_WEB.pdf

2. Kibesuisse (2021), Foire aux questions (FAQ) relative aux lignes directrices pour les structures d’accueil parascolaire https://www.kibesuisse.ch/fileadmin/Dateiablage/kibesuisse_Publikationen_Franz/FR_210922_FAQ_Lignes_directrices_kibesuisse_accueil_parascolaire_01.pdf

3. Services d’éducation et d’accueil pour enfants, les services pour jeunes et les assistants parentaux (équivalant à l’accueil familial de jour dans le canton de Vaud) et dans le travail avec les jeunes.

4. Terme utilisé de façon générique dans le cadre de référence et regroupant toutes les fonctions des personnes qui s’occupent des enfants et des jeunes dans les différents services cités plus haut.

5. Domenjoz J.-C. (2025), Première évaluation des compétences médias de la population suisse, Éducation aux médias et à l’information [en ligne] https://educationauxmedias.ch/premiere-evaluation-des-competences-medias-de-la-population-suisse