C’est ce que l’équipe de Pousses Urbaines recommande suite aux ateliers organisés avec les enfants et les jeunes de trois quartiers lausannois : consulter les enfants et observer leurs comportements afin de comprendre comment ils pratiquent leur préau ainsi que les espaces publics de leur quartier.
Ces analyses permettent de mieux prendre en compte les réalités des enfants lorsqu’il s’agit de transformer ou d’adapter ces espaces. Tout projet commence par une démarche de participation qui mobilise et intègre «toutes les personnes concernées par un sujet donné. Encadrées par un processus précis, elle permet d’aboutir à des décisions partagées et/ou des actions communes» [1]. Elle vise à travailler sur trois plans : prendre part, recevoir une part (bénéficier) et apporter une part (contribuer). Le droit de participation est garanti par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (exprimer librement son opinion (art. 12) et être entendu sur toute question le concernant (art. 13) [2]. Il ravive le sentiment d’appartenance et renforce la cohésion sociale.
Il ressort de ces rencontres avec les enfants trois observations et des recommandations pour chacune d’elles :
La question du genre est apparue comme un thème important pour les enfants. En parallèle de la démarche de Pousses Urbaines, le projet Interact, mené conjointement par la Ville de Lausanne et l’Université de Lausanne – intitulé Préaux en tous genres, s’est également intéressé aux réalités des préaux de la ville au prisme du genre.
Il en ressort notamment que les espaces extérieurs ne sont pas investis de la même manière par les enfants et les jeunes et sont structurés en 3 groupes :
Une étude citée par le projet Interact a, quant à elle, développé 5 recommandations pour aménager un préau plus égalitaire :
L’étude menée par Interact constate que réaménager les cours d’école ou les espaces extérieurs ne va pas suffire à changer les interactions qui créent les inégalités entre les filles et les garçons. En effet, les enfants et les jeunes ne sont pas détachés des effets de genre et les stéréotypes de genre sont présents dès leur plus jeune âge (2-3 ans). Ils les acquièrent, les transmettent et participent à organiser leurs relations en fonction. Ce sont ces effets de genre qu’il convient de changer. Il faut donc observer comment les enfants agissent et réagissent avec leurs pairs et avec leur environnement social pour voir ce qui s’y passe concrètement. L’origine sociale et culturelle de chacun·e a aussi à voir avec le genre et va créer des effets spécifiques. Ces problématiques existent déjà à l’échelle de la ville et de la société [4].
Les auteurs et autrices de ces études invitent les professionnel·les de l’éducation à prendre progressivement conscience de ces comportements, des stéréotypes qui les sous- tendent et à œuvrer à leur déconstruction au quotidien. Car les pratiques éducatives et pédagogiques en sont empruntes au quotidien ; elles sont reconnaissables dans la manière de gérer un groupe (école, garderie, APEMS), la manière de sanctionner différemment filles et garçons, d’être plus stricts avec les unes qu’avec les autres, de laisser plus de temps de parole à certains vis-à-vis de certaines, de faire des remarques et adresser des qualificatifs différents (la beauté, la propreté, l’ordre et la forme des idées pour les filles – la force, le courage ou le fond des idées pour les garçons) ou encore d’ encourager l’autonomie pour certaines et l’appropriation de l’espace physique et sonore pour certains. Ce sont des pratiques que l’on observe partout, et personne n’y échappe [5].
Accompagner la découverte des espaces et des activités peut se faire de différentes manières et une intervention est nécessaire pour dialoguer avec les enfants au moindre signe de remarque ou de discrimination de genre, en partant de leurs propres activités et de leurs pratiques afin de formuler et proposer des alternatives [6].
[1] Ville de Lausanne (2023), Le participatif, un guide pour accompagner vos démarches participatives
Ce guide aide à se poser les bonnes questions de départ et à mettre en œuvre des démarches participatives les plus inclusives possibles. Il a aussi pour but de créer un référentiel commun du terme « participatif ». Certains contenus de ce guide concernent tout particulièrement des démarches adaptées aux enfants et aux jeunes, leur donnant une place et valorisant leurs compétences d’aujourd’hui dans d’autres domaines que ceux auxquels on les associe habituellement (cour d’école, place de jeux, terrains de sport, etc.)
Il est une ressource pour les administrations publiques qui souhaitent intégrer la population à leurs projets.
[2] Elle est aussi une exigence légale en matière d’aménagement du territoire au niveau fédéral (LAT art. 4) et cantonal vaudois (LATC art. 2, 5 et 6). Les communes vaudoises doivent aussi favoriser des expériences participatives pour les enfants et les jeunes domiciliés ou résident sur leur territoire (Loi vaudoise sur le soutien aux activités de la jeunesse (art. 11).
[3] L’équipe de Pousses Urbaines a observé un exemple d’utilisation transversale : les bacs de cultures, présents dans certains établissements scolaires, sont entretenus conjointement par les élèves et les services de la Ville, mais aussi par les habitantes et habitants du quartier, qui prennent le relais pendant les vacances scolaires.
[4] Ville de Lausanne, Unil (2023), Préaux en tous genres : Observations et considérations générales : Pistes de réflexion et d’action
[6] Chollet, M. (2023), Préaux en tous genres : Le jeu à l’épreuve du genre, vraiment enfantin ?, Ville de Lausanne ; Unil
Illustration : L’animation vue par M. Cambon, In : Journal de l’Animation, 2022, n° 232, p. 6