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Éducation

Aménagements extérieurs : des espaces innovants pour jouer dehors

Qu’en est-il des aménagements extérieurs des lieux d’accueil parascolaires, pour ceux qui disposent d’un espace en plein air ou qui se partagent une cour avec l’école ? Risque zéro, normativité, place à l’imaginaire ? Petit tour documenté des cours de récréation et présentation d’un projet destiné aux moments de loisirs autour du repas de midi à la cantine.

Mais d’abord, quelques questions :
En sommes-nous encore aux conseils d’André Théry, inspecteur général des écoles de la région parisienne, qui, en 1869 écrivait : « Il n’y a pas de préceptes à donner pour ce qui est spontané et libre. Vous veillerez seulement à ce que vos jeunes filles n’imitent pas de trop près les jeux bruyants et quelques fois périlleux des jeunes garçons. Vous aimerez mieux les voir folâtrer doucement entre compagnes (…) Laissons les exercices virils aux jeunes garçons, avec la balle, le ballon, et tout ce qui implique une surabondance de vigueur. » [1]

Ou partageons-nous déjà les craintes de Jean Bernatchez, professeur en sciences politiques de l’université du Québec qui lui, en 2016, écrit : « Traditionnellement, la cour de récréation est un espace de liberté pour les élèves, un lieu où il leur est possible de faire des choix. Les récentes politiques publiques de l’éducation en font maintenant un territoire organisé et normé (…) Il n’y a plus de place (ou si peu) à l’imagination. Le mouvement d’uniformisation, que l’on retrouve dans plusieurs autres sphères de nos sociétés, est paradoxalement en contradiction avec ce qu’elles disent rechercher avant tout : l’innovation » [2].

Le projet des « Récrés jeu t’aime » [3] offre une alternative à ces deux positions. Après avoir été mis en place au Royaume Uni et en France, il a vu le jour en Fédération Wallonie-Bruxelles avant d’être plus largement proposé ailleurs. Ce projet vise à donner à la cour un aspect ludique, invitant les enfants à créer, jouer, imaginer. Il consiste à leur mettre à disposition, pendant le temps de midi, une multitude d’objets obsolètes, sans usages déterminés : vieux tissus, gouttières, claviers d’ordinateurs, pneus, chaises, etc. La vidéo [4] tournée au Royaume Uni a un commentaire en anglais mais les images sont éloquentes et les idées forces en sont l’intérêt du jeu pour le développement de l’enfant et pour le mieux vivre ensemble en collectivité, l’utilisation du matériel pour des jeux moins stéréotypés et moins genrés, la diminution des conflits, la solidarité et la coopération, etc.

Ce projet pourrait être un argument pour relier l’école au parascolaire, si la cour est partagée entre les deux lieux. N’oublions cependant pas que l’ambition de former les enfants à l’exercice de leur citoyenneté, de les considérer comme des sujets sociaux,  membres d’une « communauté » cogérée par les adultes et les enfants, se heurte à une réalité d’une relation entre enfants et adultes basée sur la passivité et la soumission, incompatible avec l’idée pourtant répandue de favoriser l’autonomie. La manière démocratique voudrait que soit créé un comité d’aménagement comprenant les différents acteurs et usagers de la cour, c’est-à-dire les enfants, les professionnel·le·s et les parents. En prenant garde à ce que l’obsession sécuritaire du risque zéro ne prenne pas toute la place et soumette les enfants à l’injonction paradoxale du « Faites ce que vous voulez, sauf ce qui est interdit ! »

 

[1] Terral, H. (2016), Dans la cour, hors la cours, entre contraintes et libertés éducatives, In : Barrera, C.(Dir.), La cour de récréation, p. 49 
[2] Bernatchez, J. (2016), La cour de récréation au Québec et les politiques publiques, In : Barrera, C. (Dir.), La cour de récréation, p. 79 
[3] Les récrés « Jeu t’aime », Coordination de l’aide aux victimes de maltraitance. Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Juin 2015[4] Scrapstore Playpods in Action