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Éducation

Parlez leur d’amour et de sexualité. Développement sexuel de l’enfant et posture sans imposture de l’adulte.

Que celle ou celui qui n'a jamais été embarrassé·e ou dérangé·e par des paroles, des gestes ou des questions touchant à la sexualité et posées par un enfant à l'UAPE ou à l'APEMS lise quand même la suite.
Car voici quatre livres qui développent le sujet avec des regards de professionnel·le·s différents sur la question.

L’ouvrage « parlez-leur d’amour et de sexualité » [1] s’adresse principalement aux parents mais plusieurs thèmes concernent tout adulte qui a une responsabilité d’éducation.

Pour son autrice, Jocelyne Robert, le développement psychosexuel de l’enfant n’a pas changé au fil du temps. Généralement, l’intérêt pour les différences entre les sexes et les « jeux de docteur » ou autre se manifeste à 4 ou 5 ans. Le clan « unisexe », c’est-à-dire les garçons avec les garçons et les filles avec les filles, autour de 7 et 8 ans. A 9 ans peut exister une phase de pudeur.

Ce sont les sociétés dans lesquelles on vit, l’environnement et la culture qui ont évolué.

Actuellement, il faut composer avec des réalités nouvelles : celle d’internet et de sa facilité d’accès à la pornographie et celle de l’érotisation et de l’hypersexualisation des enfants. Sans vigilance des adultes, un enfant de 6 ans peut tomber sur des scènes pornographiques très dures.[2] L’hypersexualisation ambiante est la pression qui pousse les enfants à entrer dans une sexualité qui n’est pas de leur âge, une sexualité abusive qui entrave leur processus de développement, leur propre rythme d’appropriation de la sexualité et la construction de leur vie psychique.

Jean-Pierre Lebrun [3] rappelle que la curiosité de l’enfant est, à partir de la sexualité qui l’habite dès son plus jeune âge, ce qui va fonder son désir de savoir. Il préconise de trouver un juste équilibre entre la recherche de l’enfant et les réponses à lui fournir. Ne pas lui répondre ou l’empêcher de savoir inhibera son désir de savoir et pourra même l’éteindre complètement. Trop lui répondre, lui donner des réponses toutes faites pourra avoir le même effet malheureux. Il est essentiel que l’enfant puisse faire son propre chemin, ce qui complexifie la tâche des adultes. Ni trop en dire, ni empêcher d’apporter une réponse, mais parler, voire apporter des explications mais en respectant le rythme propre de chaque enfant. « Si on veut l’aider à faire son chemin, il convient toujours de lui laisser tenir la barre de son questionnement. »[4]

Jocelyne Robert distingue plusieurs grandes étapes du développement psychosexuel et les décrit en 4 chapitres :

  • La petite enfance, de 0 à 6 ans
  • L’enfance, de 6 à 12 ans
  • La puberté : l’entre-deux-mondes de 9 à 11 ans
  • L’adolescence : de la puberté à la majorité, dès 12 ans

Entre 6 et 9 ans, l’intérêt de l’enfant pour les parties génitales se calme (c’est la période nommée phase de latence). Il n’est plus dans une espèce de fascination pour l’anatomie et la génitalité mais reste préoccupé et concerné par une profusion de faits liés à sa croissance affective et sexuelle. C’est une période pendant laquelle les enfants s’identifient à leur groupe de pairs, adhèrent assez fidèlement au clan unisexe pour se sentir appartenir à un sexe, élaborent des scénarii de séduction semi-voilés, utilisent un langage temporairement ordurier, ont une attention surexcitée envers la sexualité adulte et continuent de poser des questions sur la naissance.

C’est aussi le moment bien choisi pour donner de l’information et des explications car à ces âges, les enfants sont moins dans l’excitation et ont une oreille attentive.

Entre 9 et 11 ans, lors de la pré-puberté, les stéréotypes sexuels sont très forts. C’est aussi le temps des idoles que les enfants admirent et à qui ils veulent ressembler. Période de préparation aux transformations du corps jusqu’à l’âge adulte.

Voilà très très schématiquement et brièvement ce qui ressort du côté des enfants.

Qu’en est-il de la sexualité à l’APEMS ou à l’UAPE, ce lieu ressource, suffisamment ouvert pour que l’enfant puisse y mettre quelque chose de lui, si différent de l’école et de la famille.

Qu’en est-il du professionnel et de la professionnelle qui peut offrir une oreille attentive à l’enfant qui le sollicite ou qui désire se livrer ?

Dans l’univers de la sexualité, plus peut-être que dans tout autre domaine, il vaut la peine d’identifier les normes sociales et culturelles que nous avons assimilées, l’éducation reçue, les conceptions de la sexualité héritées ou contestées. Car une éducation à la sexualité ne se limite pas aux mécaniques génitales ou physiologiques. Elle inclut aussi les notions d’amour, d’affectivité, de responsabilité, d’égalité, de consentement, de respect de soi et d’autrui. Citant Françoise Dolto « Quoi qu’il en soit, tardive ou faite à temps, l’information doit toujours viser à l’éveil d’une fierté, une fierté d’être et de grandir… », Jocelyne Robert insiste sur l’importance de transmettre ce message inconscient « il est bon que tu sois ce que tu es »[5] et qui permet les identités sexuelles plurielles.

Son ouvrage aborde aussi les problématiques liées à la culture du viol, aux violences sexuelles, à la multiplication des identités de genre, au langage non verbal, aux tabous sexuels, à la cyberporno,[6] etc.

Et le mot de la fin (de l’article seulement) à Jean-Yves Hayez [7] pour qui, dans ce domaine de la sexualité, il est important d’écouter et d’essayer de comprendre avant de juger.

L’écoute qu’un adulte accorde à la parole ou à la question de l’enfant relève d’un état d’esprit où le sexuel s’intègre dans un ensemble plus vaste : cette écoute attache une égale importance à la personne de l’enfant, au monde dans lequel il vit et aux représentations qu’il s’en fait. Dans le champ de la sexualité et selon les circonstances, l’écoute porte sur les expériences faites ou connues par l’enfant. Elle s’intéresse à ses questions, préoccupations, connaissances, opinions et valeurs. Quand nous ne savons pas répondre, nous gagnerions à reconnaitre notre ignorance ou notre incertitude et à le dire à l’enfant. Cet aveu serein n’a rien de commun avec un silence pesant qui donne à l’enfant l’impression que sa préoccupation, sa question ou son action du moment sont inadmissibles.

 

[1] Robert, J. (2018), Parlez-leur d’amour…et de sexualité : L’éducation sexuelle : ça presse !, Montréal : Ed. de l’Homme

[2] Une étude Bitdefender révèle que les enfants regardent du porno en ligne dès l’âge de six ans… (2013)

[3] Lebrun, J.-P. (2012), L’hypersexualisation des enfants, In : Blairon, J. et all., Hypersexualisation des enfants, Bruxelles : Ed. Fabert

[4] Idem, p. 40.

[5] Idem 1, p. 63

[6] Pour en savoir plus à ce sujet, le livre d’Anne de Labouret et Christophe Butstraen, « Parlez du porno à vos enfants avant qu’Internet ne le fasse« , qui développe le sujet et donne une liste de sites internet pour filtrer, protéger les enfants d’images choquantes, etc.