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Éducation

Parents-professionnel·le·s : le trait d’union : qu’est-ce que la coéducation et pourquoi est-elle indispensable dans les lieux d’accueil ?

Coéduquer signifie créer un partenariat centré sur la tâche d’éduquer l’enfant où chacun des acteurs doit être valorisé dans son rôle, ses compétences et son savoir-faire. Il faut un accord minimal sur ce que l’on veut développer chez l’enfant, sur la manière dont on va s’y prendre, sur le partage des tâches.

Nous devons cette définition à Catherine Sellenet [1]  qui écrit « co-éducation » avec un trait d’union. Rappelons que ce trait est le petit signe qui se retrouve dans la plupart des ouvrages qui font référence au travail socio-éducatif (encore un). Il relie ou sert d’intermédiaire entre différents éléments. Et ne laisse personne indifférent, surtout pas l’enfant à qui il profitera mieux que la barre oblique qui marque la division, la séparation ou l’opposition, signe qu’on ne voit nulle part mais qui est bien présent quand les professionnel·le·s accusent les parents de « démission ».

Plusieurs auteur·e·s ont écrit et écrivent encore sur ce sujet. Parmi eux, Laurent Ott [2] relève que les parents sont souvent présents dans les projets éducatifs mais continuent d’être absents du fonctionnement quotidien des institutions. Les enfants ont besoin d’un lieu qui ne soit ni la famille, avec ses enjeux affectifs, ni l’école, avec ses pressions de performance. Un lieu près de chez eux, libre d’accès où ils pourraient, chaque jour et même la nuit, trouver une attention, un accueil, des éducatrices et éducateurs qu’ils connaissent et qui sont membres d’une équipe stable. Un lieu où le parent trouverait aussi à s’investir. Ce serait une réalisation dans le projet de retisser des liens sociaux positifs de quartier car l’éducation, dont on charge lourdement les parents, concerne en réalité la société entière. Si les UAPE et les APEMS ne correspondent pas tout à fait à cette description, ils s’en approchent s’ils permettent aux enfants d’y trouver une attention, une écoute, une reconnaissance durable et si les parents ont leur mot à dire.

D’ailleurs, que propose-t-on aux parents? De collaborer, c’est-à-dire de mettre en commun des ressources et des savoir-faire, mais sans partage des décisions? De coopérer, partager les responsabilités et les tâches.

Jean-Claude Métraux [3] part de l’idée que nous sommes tous des migrant·e·s et que les enfants sont des migrants quotidiens entre leur famille, l’école et le lieu d’accueil. Vivre ce qu’il appelle une intégration créatrice concerne chaque enfant.  Vivre cette intégration, c’est-à-dire le couplage d’une loyauté nourrie au monde d’origine et d’un investissement positif du monde d’accueil permet un tissage d’appartenances plurielles. Les deux mondes sont à valoriser. Sans cela le risque est grand que l’enfant se sente de plus en plus tiraillé entre les deux mondes et qu’il souffre, à l’adolescence, d’une double marginalisation. S’il y a de moins en moins de dénominateur commun entre ses mondes, il sera progressivement écartelé par des conflits de loyauté et par l’absence de connivence entre ses parents et le monde des enseignants ou des éducateurs. L’adolescent·e va alors rejeter l’un et l’autre en s’auto-excluant et choisir un monde tiers, celui de la violence, de la délinquance, de la toxicomanie, du suicide, de la psychose, etc.  « La double marginalisation constitue l’épidémie la plus répandue, parfois mortelle, parmi les jeunes du XXIème siècle ».[4] 

Jean-Claude Métraux considère les structures d’accueil parascolaire comme un monde de transition « l’espace du voyage de l’enfant entre ses deux mondes majeurs, sa famille et l’école… le lieu rêvé où les cordes de l’enfant pourraient se tresser » [5]. Et que faire pour favoriser ce tressage ? Œuvrer pour rendre ces deux mondes moins étrangers l’un à l’autre, autoriser pleinement les deux appartenances et leur expression (langue, musique, cuisine, etc.), stimuler la conscience des similitudes entre les mondes et penser les professionnel·le·s d’accueil comme des médiateurs et médiatrices entre la famille et l’école, tissant une relation de reconnaissance mutuelle tant avec les parents qu’avec les enseignant·e·s.

Un trait d’union qui en dit long!

 

[1] Sellenet, C. (2012), Parents-professionnels : une co-éducation en tension, In : Parents-professionnels à l’épreuve de la rencontre, Toulouse : Erès, pp. 29-48 

[2] Ott, L. (2014), Travailler avec les familles : Parents-professionnels : un nouveau partage de la relation éducative, Toulouse : Erès 

[3] Métraux, J.-C. (2016), Familles d’ici et d’ailleurs : accueillir et se rencontrer, In : Coéducation et interculturalité : enjeux et perspectives dans l’accueil de jour des enfants, Lausanne : PEP, pp. 5-20 

[4] Idem, p. 10 

[5] Idem, p. 19