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Éducation

Les enfants sont-ils libres de décider de ce qui les concerne ?

Les pédagogies alternatives sont de celles qu’on retrouve dans le travail socio-éducatif des lieux parascolaires. Le dossier du Journal de l’Animation d’avril 2020 est consacré à ces pédagogies de la décision et de la liberté. Tout·e professionnel·le du champ parascolaire ne peut les ignorer s’il veut consolider et visibiliser son professionnalisme !

Dans « pédagogies alternatives [1]  » il y a d’abord le mot « pédagogie ».
Selon Laurent Ott [2], la pédagogie implique de construire le chemin en avançant. Elle est compliquée à définir car elle est la rencontre de la théorie et de la pratique et s’articule autour de trois activités : transmettre, transformer, éduquer.
Elle n’est pas une discipline ou une matière dans laquelle on peut progresser ou une technique que l’on peut acquérir. La pédagogie, c’est le fait de réfléchir sa pratique et de la faire évoluer.

En cela elle signifie :

  • se représenter sa propre activité,
  • avoir une vision complète et cohérente de l’ensemble des dimensions de son action,
  • percevoir et connaitre de manière globale l’environnement dans lequel se déroule son intervention,
  • ne pas se voir comme un simple exécutant·e de méthodes d’intervention décidées ailleurs et par d’autres.

Les pédagogies de la liberté et de la décision se fondent toutes les deux sur la conception que l’enfant possède en lui des capacités susceptibles de lui permettre d’acquérir les savoir et de gagner en maturité. Les postures de l’adulte vont viser à respecter son rythme d’apprentissage, accroitre son autonomie, amplifier sa créativité, privilégier sa propre expérimentation, le responsabiliser dans ses apprentissages, développer la coopération et l’entraide, encourager l’autodiscipline, etc…. en évitant de faire peser sur lui la lourde responsabilité de tout connaitre et de tout savoir.

La pédagogie de la liberté laisse la possibilité à l’enfant de choisir ce qu’il veut faire. Pas de puissance d’une majorité qui ferait que le groupe écrase l’individu, les enfants aux envies différentes étant de cette façon niés. L’activité n’est pas contrainte ni initiée par l’adulte. Plusieurs espaces de jeux différents, de matériels sont à disposition permanente des enfants. Le cadre collectif est structuré et réfléchi et les professionnel·le·s accompagnent les enfants. Cette liberté leur permet de trouver leurs propres réponses face à des situations inédites et de répondre à des questions essentielles à la construction de leur identité : qu’est-ce que je veux, qu’est-ce que j’aime, qu’est-ce que je préfère ? C’est un complément à ce qu’il apprend et qu’il vit dans sa famille ou à l’école. Pourtant, cela ne veut pas dire que les enfants sont livrés à eux-mêmes et peuvent faire comme bon leur semble. L’activité spontanée y est valorisée car elle est une véritable opportunité d’apprentissage. L’adulte découvre les intérêts particuliers de l’enfant et peut les transformer ensuite en projet.

Les pédagogies de la décision sont différentes de celles de la liberté car elles prévoient des lieux d’expression où l’enfant contribue au groupe et découvre le monde qui l’entoure grâce à ses expériences.

Elles présentent les caractéristiques suivantes :

  • l’existence d’une instance de décision collective,
  • un pouvoir de décision donné aux personnes concernées,
  • la relation entre ce qui affecte les participant·e·s et les activités menées et qui alimente la construction d’accords et de décisions collectives. Un exemple : la construction des règles communes à partir de l’analyse des sentiments qui émergent dans l’ici et maintenant des rencontres
  • la mise en œuvre d’un outil de vie coopérative, inspiré du « quoi de neuf ? » des pédagogies institutionnelles.

Jean-Marie Bataille [3] précise que le modèle des pédagogies de la décision propose une médiation : une réunion qui se tient selon un protocole précis. La première partie se centre sur ce qui se passe…comment ça va ici, dans ce lieu ?  Puis vient le temps consacré à la planification de la journée ou des jours à venir. C’est le « Qu’est-ce que l’on va faire ? ». À la question « l’enfant ne va-t-il pas être toujours tenté par des activités consuméristes ? » il répond qu’il s’agit d’organiser la confrontation entre enfants et adultes, de ne pas donner de réponse immédiate face à une demande, quelle qu’elle soit, mais de construire une élaboration et une réflexion.

Le processus de décision suit plusieurs étapes :

  • l’énoncé de la demande
  • l’exploration des motivations et des raisons de cette demande « A quels besoins répond-elle ? »
  • le positionnement individuel : qui n’est pas d’accord, qui est d’accord à condition de…, qui est d’accord ?

Au final, le groupe va faire une synthèse en tenant compte de l’avis de tous les participant·e·s, construisant une solution commune. « Considérés comme des sujets aptes à penser et à s’entendre autour d’un même projet, les enfants se voient remettre le pouvoir de choisir par eux-mêmes avec les adultes »[4].

[1] Contassot, F., Trémintin J. (2021), Pédagogies alternatives : respecter les envies et le rythme de l’enfant, In : Le Journal de l’animation n° 208, pp. 23-33

[2] Turkieltaub S. (2012), Pédagogie sociale : une pédagogie pour tous les éducateurs : Entretien avec Laurent Ott, In : Journal du droit des jeunes, n° 316, pp. 44-49

[3] Bataille, J-M. (2020), L’enfant au centre de la décision., In : Le journal de l’animation n° 208, pp. 26-27

[4] Idem, p. 27