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Compétences professionnelles

Va te calmer au « coin livres » ! File dans ta chambre ! … Ou quand la pratique du « time out » crée la polémique et le trouble.

Il existe des professionnel·le·s qui, dans les lieux d’accueil, pratiquent la mise à l’écart d’enfants très jeunes aux prises avec des colères difficiles à calmer. Il existe aussi des parents démunis, « au bout du scotch », qui envoient leur enfant se calmer dans sa chambre. Jean-Robert Appell, éducateur et formateur, donne un éclairage bienvenu sur ces pratiques dans un article de la revue Spirale.

Appell aborde la question du « time out » qui crée une polémique sans fin chez nos voisins français, psychologues et pédagogues. Mais parler du « time out » (cadre familial : aller se calmer dans sa chambre, cadre collectif : retrait de l’enfant du groupe ou mise à l’écart) oblige à reprendre quelques points fondamentaux.

Tout d’abord, l’auteur rappelle que la relation adulte-enfant est asymétrique. Tout le monde le sait ! Mais il se pourrait que les amateurs de lectures sur la psychologie ou la parentalité positive l’oublient parfois… Conscient de son rôle primordial, l’adulte accompagne l’enfant dans ce long processus de socialisation qui va lui permettre de vivre en société en intégrant peu à peu les règles et les interdits.

Nous savons que c’est un long chemin pour le tout-petit agité par des pulsions qu’il ne maîtrisera que grâce à la contenance physique et psychique de l’adulte (parent ou professionnel·le). Cette notion de contenance est cruciale car elle seule permet à l’enfant de ressentir un profond sentiment de sécurité.

Après ce petit détour sur cette notion de base, revenons à la question du « time out » : des parents épuisés par les multiples crises de leur enfant de 2 ans et demi lui demandent d’aller se calmer un moment dans sa chambre… est-ce de la maltraitance ou juste une solution pour ne pas perdre ses nerfs ? Le concept de la contenance est bien utile pour répondre à cette question. Selon Appell, si ce sont des parents respectueux, que leur enfant n’est pas envahi par des pulsions destructrices et qu’il se sente en « sécurité affective » malgré un bref et ponctuel éloignement, cette sanction n’est pas maltraitante.

Mais dans un contexte d’accueil collectif, la pratique de la mise à l’écart est tout autre. Que peut ressentir un jeune enfant que l’on éloigne du groupe ? Peut-on affirmer que la contenance des professionnel·les présents est assez forte pour lui assurer un sentiment de sécurité ? Ou se sent-il totalement abandonné par des adultes qui devraient au contraire, de par leur formation professionnelle et la qualité de leur accompagnement, le porter physiquement et psychiquement même et surtout dans ses débordements ?

Vous l’aurez compris, être seul dans sa chambre à la maison ou être « au coin » à la crèche… ce n’est pas pareil. Si dans la situation des parents, le « time out » très occasionnel peut être considéré comme une manière de se protéger leur enfant d’une éventuelle fessée, en garderie, on pourrait le qualifier de maltraitance.

Pour aller plus loin, lisez les articles du Pr. Edouard Gentaz, de l’UNIGE, qui associe le « time out » à une forme de punition relationnelle :

Maigret, G., Gentaz, É. (2023), Parentalité, pratiques éducatives et punitions – Que disent les recherches scientifiques ?, In : A.N.A.E, no 183
Consultable en ligne : https://www.anae-revue.com/2023/04/28/parentalit%C3%A9-pratiques-%C3%A9ducatives-et-punitions-que-disent-les-recherches-scientifiques-g-maigret-%C3%A9-gentaz/

 

Appell, J.-R. (2023), Au coin !, In : Spirale, no 104, pp. 155-157