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Repéré pour vous

Développement de l’enfant

Traiter de la vie sexuelle des enfants dans le parascolaire

Témoins de situations, comportements ou paroles liés à la sexualité, les professionnel·les du parascolaire ont un rôle à jouer pour participer au maintien de la bonne santé sexuelle des enfants qu’ils et elles accueillent. Quelle place est faite à ce thème dans les colloques d’équipe, dans le projet pédagogique et dans le quotidien des accueils ? Focus sur les jeux sexuels.

Pour pouvoir échanger en équipe et faire exister les questions de sexualités [1], l’appui de quelques rares auteur·ices qui ont catégorisé, schématiquement et en fonction des âges, le développement psychosexuel de l’enfant peut être éclairant dans un premier temps.

Ce que dit Alpert à propos de la période 6-12 ans est que, dans un cadre éducatif ouvert, si la discipline n’est pas rigide, les enfants de 6 ans montrent une véritable curiosité sexuelle qui s’accompagne d’une importante charge émotionnelle au travers de jeux d’explorations mutuelles. Leurs préoccupations tournent souvent autour de l’accouplement.

Vers 7 ans, cette curiosité est moins franche, pulsions et conflits sexuels sont déguisés. Le jeu de « papa maman » devient celui de « faire l’amour ». Vers 8 ans, les comportements sont variés et vont des explorations mutuelles aux plaisanteries grivoises, à la masturbation, au voyeurisme ou encore aux concours de langage obscène.

Selon Galtier [2], jusqu’à 6-7 ans, l’enfant va adopter des codes stéréotypés puis, entre 7 et 11 ans, il se retrouve avec ses pairs et partage des codes communs. Ce n’est qu’à l’adolescence et avec la puberté que le ou la jeune va se confronter avec l’autre, car la pulsion sexuelle est réactivée et, avec elle, la place qu’il et elle va faire à cet autre.

Nombre d’auteurs contemporains s’accordent pour dire que la phase de latence [3], telle qu’elle était conçue jusqu’à présent, est en voie de disparition. Les enfants de 6 à 12 ans présentent une excitabilité sexuelle qui peut se manifester dans la transgression et l’imitation du comportement des adolescent·es. Ils ont plus tendance à décharger cette excitation sexuelle qu’à la sublimer [4]. On peut se demander si la latence est un phénomène naturel ou si elle est induite par la répression éducative et par les exigences des sociétés occidentales qui imposent à l’enfant ce temps consacré aux apprentissages et à la socialisation.

La sexualité à cette période ne serait donc pas si latente que cela et s’exprimerait au travers des jeux sexuels et des activités masturbatoires.

On a tendance à oublier l’existence de la sexualité de l’enfant. Une explication avancée est celle de l’amnésie infantile. Les sensations éprouvées pendant la petite enfance tout comme l’inconfort et la tristesse de se sentir incompris·e ou abandonné·e ne sont pas mémorisées et font partie de notre histoire oubliée. On ne se rappelle pas de ce qu’il s’est passé avant nos 4 ans, mais tout ce qui s’est joué reste présent dans notre vie affective et sexuelle.

Il est aussi devenu difficile de penser au sexuel infantile sans être envahi par le spectre de la pédophilie. Les jeux sexuels entre enfants sont alors assimilés à la sexualité des adultes, sans prendre en compte que ces mêmes enfants peuvent utiliser un langage ordurier, jouer à « faire l’amour », imiter les rapports buccogénitaux et en même temps avoir des connaissances très imprécises et limitées sur la sexualité adulte et la procréation.

Généralement, les conversations liées au sexe traduisent l’intérêt des enfants sur ces questions, mais elles se déroulent plutôt quand ils et elles se retrouvent entre eux, sans la présence des professionnel·les. Les paroles et les demandes d’informations circulent entre pairs.

Les jeux sexuels normaux reposent sur la curiosité, le désir de s’identifier aux grands et aux adultes [5]. Ces activités ne sont pas planifiées mais occasionnelles. Elles se déroulent sans contrainte et les enfants qui s’y adonnent partagent d’autres intérêts communs. L’ambiance dans laquelle se déroulent ces jeux est détendue et paisible. Les connaissances que peuvent avoir les enfants sur la sexualité peuvent les conduire à essayer certaines pratiques qu’ils ont vues en vidéo ou sur Internet ou dont ils ont entendu parler. Ces jeux ne sont donc ni anormaux ni pathologiques.

Lorsque des activités sexuelles entre enfants du même âge impliquent plusieurs participant·es, il peut exister une confusion entre le jeu et l’agression, entre le normal et le pathologique. La limite entre les dénominations « jeu sexuel » et « agression sexuelle » n’est pas toujours claire.

« Les critères de l’agression sont souvent définis selon la différence d’âge et de développement physique entre les enfants, de l’utilisation de la force et de la contrainte et finalement de l’existence de lésions physiques. Mais chez l’enfant, l’aspect violent, manipulateur ou cruel des jeux ne concerne pas spécialement les jeux sexuels. Le problème de la définition de l’agression est que les enfants ne sont pas sûrs eux-mêmes de savoir si l’expérience est une agression ou non car l’expérience commence souvent par un jeu où la “victime” est au début un participant volontaire. L’expérience tourne ensuite à l’abus – que nous différencions ici de l’agression – mais l’enfant peut se sentir responsable d’avoir choisi de commencer. Cela est d’autant plus vrai que l’éducation sexuelle de l’enfant n’a pas été faite et qu’ils n’ont pas de mots pour se représenter l’expérience » [6].

Il paraît donc souvent difficile de savoir quel a été le degré de consentement ou de contrainte, si les enfants disent la vérité ou un mensonge. Les enfants savent qu’ils transgressent un interdit en se livrant à des jeux sexuels ; ils le font en cachette et s’ils sont découverts par les professionnel·les, ils peuvent dire qu’ils y ont été obligés. Qualifier les jeux sexuels d’agression en dehors de faits graves et avérés est le premier pas pour étiqueter l’enfant d’agresseur sexuel. Mauvais pas, car nous connaissons bien les effets néfastes à long terme de ces « étiquettes » pour le développement psychique de l’enfant.

Quand c’est nécessaire, en matière de santé sexuelle, l’équipe peut prendre appui auprès d’espaces spécialisés.

 

Il n’est d’ailleurs pas conseillé d’aborder en groupe les questions liées à l’intimité d’un enfant. Ce qui ressort du registre plus personnel peut s’exprimer dans la relation duelle avec le ou la professionnel·le. Mais cela n’empêche pas une réflexion commune autour des questions que les enfants se posent en général et dont les réponses auront une résonance dans leur vie intime.

Il appartient aux éducateur·ices de permettre aux enfants qui en ressentent le besoin, de parler [7]. Cela demande d’être formé·e ou préparé·e à faire face à ces situations. Les accueils peuvent eux-mêmes être le lieu de violences. Parler des violences sexuelles à un enfant ne va pas de soi et, pourtant, c’est ce qui participe à sa protection en lui apprenant à repérer les situations à risque et, en cas de besoin, à rompre un silence destructeur.

Des temps d’échanges et de partage en équipe sont essentiels puisque le sujet touche à l’intime, à nos expériences de vie et également à nos représentations. L’éducateur-ice est perçu·e par les enfants qu’elle ou il accueille comme un être sexué. Ce qu’il ou elle va dire ou faire, passe par ce filtre-là. Raison pour laquelle il vaut mieux au préalable avoir réfléchi à ses propres représentations sur les questions de sexe et de genre.

[1] Selon l’organisation mondiale de la Santé (OMS), la sexualité est « un aspect central de l’être humain tout au long de la vie qui englobe le sexe, l’identité sexuelle et les rôles, l’orientation sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la reproduction ». La santé sexuelle s’entend comme : « …un état de bien-être physique, mental et social eu égard à la sexualité, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité. La santé sexuelle s’entend comme une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles ainsi que comme la possibilité de vivre des expériences sexuelles agréables et sûres, exemptes de coercition, de discrimination et de violence. Pour que la santé sexuelle soit assurée et protégée, les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et appliqués ». ” (OMS, 2006a)

[2] Cité in Contassot, F. & Wackenier, I. (2023).  Vie affective et sexuelle en accueils collectifs de mineurs. Repères et outils pour l’équipe d’animation. Le journal de l’animation.

[3]  La « période de latence » a été décrite par Freud en 1905 et correspond à l’arrêt du développement sexuel chez l’enfant, entre 6 et 10 ans.

[4] Ce qui signifie, en psychanalyse, faire le transfert d’une pulsion (notamment sexuelle) vers des objectifs socialement valorisants. Durant cette période, les pulsions sexuelles deviennent moins saillantes, permettant une accalmie sur le plan des conflits psychosexuels. L’enfant se concentre alors sur le développement social, intellectuel et culturel, s’engageant dans l’apprentissage, les relations amicales et les activités scolaires.

[5] Welniarz, B., Medjdoub, H. (2012), Du jeu sexuel à l’agression entre enfants du même âge en « période de latence » : réflexion à partir d’une population d’enfants hospitalisés pour troubles du comportement, In : L’information psychiatrique, vol. 88, pp. 13-20.

[6] Idem 5.

[7] Robert, J. (2018). Parlez-leur d’amour…et de sexualité : l’éducation sexuelle : ça presse ! Ed. de l’Homme.

 

Image de couverture :

Verdoux, C. (2014). Encyclopédie de la vie sexuelle : 7-9 ans. Hachette.