À ces âges-là, les jeux spontanés évoluent, la complexification progressive des consignes du jeu symbolique les rapproche des jeux à règles, la règle devenant de plus en plus nécessaire pour que les activités à plusieurs puissent s’élaborer et durer. Nous sommes dans l’antichambre des jeux réglés, avec le besoin de se mesurer mais aussi la difficulté à accepter le verdict de la règle. Le fait de gagner n’a qu’une importance limitée, c’est une douce incursion dans le monde de la compétition, un état de transition entre l’enfant souverain qui croyait plier la réalité à sa volonté et être le plus fort et la rigueur de la règle des jeux traditionnels, des jeux de société ou du sport, « une étape à ne pas sauter sur le chemin de la connaissance de soi et de la rencontre avec les autres »[1].
Raymonde Caffari et une équipe d’éducatrices ont observé des enfants dans cinq lieux d’accueil parascolaire différents afin de repérer et d’analyser ces jeux dont la règle est inventée de toute pièce, généralement par un joueur ou une joueuse, puis modifiée et négociée parfois au cours du jeu par le groupe et cela pour une activité précise qui ne se répétera pas forcément. Petit exemple :
Julie (7; 2) et Yanita (7;3) se sont donné pour consigne, sur le chemin de l’école, de toucher du pied tous les murets, parties saillantes et rebords de vitrines en disant « touché ». Si l’une d’elles manque un de ces endroits, l’autre dit « perdu ». Elles ne comptabilisent cependant pas les points.[2]
Pas de matériel spécifique ni d’espace particulier dévolus à ces jeux mais l’assurance de la compréhension et de la discrétion des adultes permettant ces activités entre enfants qui font du bruit et s’agitent sans produire.
L’éducation des enfants de ces âges-là ne consiste pas seulement à les laisser jouer. Leur appétit pour la découverte du monde et sa compréhension est si grand. Il y a un équilibre à trouver, dans un emploi du temps très chargé, entre le jeu libre et les autres activités.
[1] Caffari, R. (2017), Pour que les enfants jouent : une pédagogie du jeu pour les institutions de la petite enfance, Le Mont-sur-Lausanne : LEP Loisirs et pédagogie, p. 173.
[2] Idem, p. 155.