Bernard Golse, dans le prolongement de D. W. Winnicott, questionne et tente d’expliquer l’émergence du jeu chez le bébé. Il réfléchit aux conditions nécessaires pour que l’activité ludique du bébé se construise. En effet, le jeu permet à l’enfant de se découvrir lui-même ainsi que son environnement.
En ce qui concerne le « tout-petit » comme le nomme B. Golse, l’activité sensorielle et proprioceptive, c’est-à-dire liée à la sensation provoquée par le mouvement, permet au bébé de se découvrir. Cependant, cela ne suffit pas pour que l’on puisse parler de jeu. En effet, pour que ce dernier puisse exister, il est nécessaire de créer un espace de rencontre (« aire intermédiaire ») qui permette aux protagonistes de construire une relation privilégiée autour d’un focus commun (« attention conjointe »), deux concepts développés par D. W. Winnicott. Ainsi, le bébé est à même d’éprouver le « sentiment d’exister », condition sine qua non pour que le jeu, objet transitionnel et médiateur de la relation, puisse exister.
Bernard Golse classe les types de jeux du bébé dans trois catégories différentes.
a) Les jeux auto-subjectifs qui, au travers des sensations corporelles, permettent au bébé de sentir son enveloppe et de se sentir exister.
b) Les jeux intra-subjectifs commencent à partir du moment où le bébé se différencie de son environnement. Cette altérité, petit à petit créée, lui donne accès à la capacité d’être seul et de jouer seul à côté d’un autre.
c) Les jeux interactifs se caractérisent, tout comme les jeux intra-subjectifs, par la construction de l’altérité et la différenciation. L’intention de jouer est portée par la volonté, commune aux protagonistes, de partager une activité ludique.
Lorsqu’il s’agit du tout-petit, le jeu s’inscrit dans l’espace créé par l’adulte sans que le bébé ait conscience de son altérité. Alors que l’enfant plus grand, qui lui, en a conscience, est capable de créer seul cet espace intermédiaire de créativité et, par extension, de jouer tant seul qu’avec l’autre.
L’un des rôles de l’adulte dans l’accompagnement du jeu du bébé est de créer des conditions propices à son installation. Toutefois, et cela aurait été trop facile, ce n’est pas suffisant. B. Golse ajoute l’importance, voire même la primordiale nécessité, que l’adulte se mette en jeu. Il doit jouer d’une manière vraie, spontanée et sincère.
Fabienne Agnès Levine, psychopédagogue, met en évidence ce fait essentiel en écrivant :
« Le jeu des adultes ne peut être utile au bébé que s’il est authentique dans le plaisir qu’il suscite en lui ».
Pour ce faire, l’adulte se doit de faire preuve de malléabilité, d’altérité et de narrativité.
– La malléabilité se caractérise par la capacité de faire preuve de souplesse de la part de l’adulte en réponse aux propositions du bébé.
– L’altérité, quant à elle, met en évidence l’accompagnement de l’adulte dans le jeu du bébé en offrant des réponses qui génèrent des surprises. Cela crée un écart entre ce que le bébé avait projeté et sa perception réelle, favorisant ainsi la différenciation.
– La narrativité est liée à la notion de plaisir partagé :
« Le jeu est un espace de récit mutuel, et ceci même avec les bébés. Chacun « raconte » quelque chose à l’autre via une narrativité préverbale, source de plaisir partagé ».
Pour aller plus loin :
Golse, B. (2020). Le bébé, du sentiment d’être au sentiment d’exister. Mille et un bébés, no 167, Érès.
Levine, F. A. (2022). Bernard Golse, in EJE Journal, n°94 (mai-juin 2022), pp. 54-56
Levine, F. A. (2021). Le besoin de jouer chez les tout-petits – 35 fiches conseils pour les pros de la petite enfance. Dunod.