Les premiers chapitres abordent la question des résistances et des doutes émis par les professionnel·les de l’enfance envers cette notion d’inclusion inconditionnelle. Il n’est pas possible ici de livrer tous les éléments réfléchis par Herrou et ses collaboratrices, pionnières et humanistes, mais voici ceux qui pourront nourrir une bonne compréhension de ces lieux innovants. Citons tout d’abord la notion d’« hospitalité » qui va définir la qualité des relations tissées entre les professionnel·les et les familles. Mieux que le terme d’« accueil », utilisé à toutes les sauces selon l’auteure, l’hospitalité concerne la proximité et l’implication nécessaires à des rencontres authentiques avec les parents et leurs enfants. Proximité, implication, projection, identification… des mots évoqués dans plusieurs chapitres et qui nous amènent vers la question fondamentale : quelle organisation institutionnelle est mise en place pour garantir cet accueil inconditionnel et pour prévenir l’épuisement des professionnel·les ?
Avant tout, l’accent est mis sur un mode de travail inédit ayant pour but la création d’un réel collectif pédagogique ; il se traduit par la complémentarité, de fines compétences pour le travail en réseau, un décloisonnement des fonctions et une dé-hiérarchisation des connaissances : « Il n’y aura pas de « réputés ignorants » face à des « supposés savoirs » en fonction des diplômes. » (p. 41).
Inspirée par les travaux du psychiatre Oury, Herrou a mis en place des pratiques issues de la psychothérapie institutionnelle afin de soutenir le travail des équipes éducatives : « La psychiatrie institutionnelle part du principe que les équipes doivent prendre conscience de la nécessité de se soigner elles-mêmes pour prétendre être en mesure de soigner ou de prendre soin des autres. » (p. 55).
Terminons ces quelques notes de lecture par la question de départ de cet ouvrage : l’accès des enfants handicapés à un lieu de garde. Pour les parents d’un enfant vulnérable, trouver un lieu et des professionnel·les compétent·es et prêt·es à cet accueil inconditionnel signifie beaucoup ; comme les autres, leur enfant a droit à un casier avec son prénom, il apparaît sur des photos de la crèche prises lors des fêtes, il a enfin sa place dans un groupe autre que la famille, ses parents figurent sur la liste téléphonique, ils sont reconnus dans leur rôle comme les autres parents. « Le soin prend sens dans la participation à la vie sociale ; et la réciproque est vraie. » (p. 43).
Herrou, C. (2023), Mille et un bébés, no 184 (2023) : Inclure sans conditions les jeunes enfants handicapés, Toulouse : Erès