Jeunes et adultes disposent de tout un attirail technologique qui sollicite sans cesse leur attention. Le nouvel écosystème de travail numérique provoque une surcharge cognitive pouvant mener au burnout, le travail étant intensifié, densifié et « urgentifié » vu l’instantanéité que permet la technologie. Certains chiffres sont éloquents : le temps de concentration pour une activité sur un écran d’ordinateur a passé de 3 min. en 2004 à 45 secondes en 2010 sur tous les supports (ordinateur, smartphone, etc.). Le centre d’attention change très souvent. Or à chaque fois qu’on doit changer de tâche, nous nous fatiguons. Avec les outils numériques, nous sommes nombreux à nous vanter de pouvoir travailler en multitâche mais l’impression d’efficacité que nous en retirons n’est qu’une illusion. Si nous faisons deux activités qui reposent sur le même réseau du cerveau, par exemple écrire un mail et répondre au téléphone (les 2 utilisant le réseau du langage) une des deux activités va en pâtir. De plus, ce mode multitâche, peu performant, avec les interruptions qu’il impose, crée du stress et une surcharge cognitive. Ce fantasme du multitâche conforte les jeunes dans un zapping compulsif dommageable pour eux. Une grande enquête européenne a constaté que, contrairement à une idée reçue, la génération née avec le numérique gérait moins bien le stress numérique que leurs aînés !
L’outil numérique n’est pas passif, il nous façonne et nous inventons des nouvelles technologies qui questionnent notre propre place d’être humain. C’est d’ailleurs l’intention d’un chercheur et de son programme pilote à Lyon visant à apprendre aux enfants à résister aux sollicitations numériques en les éduquant, dès le premier âge, à l’attention. Il précise d’emblée que la capacité d’attention d’un enfant est aussi liée à la valeur que les adultes qui s’occupent de lui attribuent à cette capacité dans les gestes du quotidien.
Une autre recherche démontre qu’il existe dans notre cerveau un réseau de neurones pour lesquels les pauses sont indispensables. Ce réseau fait tout un travail de construction et de synthèse de la mémoire, du lien entre ce qui est passé et ce qui est nouveau, il est donc important pour notre bien-être et notre insertion dans le monde. Prendre soin de ce réseau c’est se ménager des moments sans sollicitations externes, sans réagir en permanence à toutes les informations extérieures, ne pas laisser notre attention errer au gré des technologies et inventer le droit à la déconnexion.
Vous pouvez maintenant éteindre votre ordinateur jusqu’à la prochaine fois !
Serfaty, L. (2016), Hyperconnectés : le cerveau en surcharge, Paris : ZED